Nous nous intéresserons, dans cet article, au sens du mot robot et de ses synonymes. Des termes qui désignent une figure emblématique de la science-fiction ; figure qui, paradoxalement, habite l’imaginaire collectif depuis des temps immémoriaux.
Mais, commençons par le commencement : quelle est la définition du mot robot ?
Si j’ouvre mon dictionnaire, je peux lire :
« Robot, nom masculin :
1-Dans les œuvres de science-fiction, machine à l’aspect humain, capable de se mouvoir, d’exécuter des opérations, de parler. »1
Effectivement, je pense que tout le monde avait, plus ou moins, en tête une imitation mécanique et autonome de l’homme.
Pourtant, l’automate – qui est l’ancêtre du robot – n’a pas attendu le XIXème siècle et les débuts de la science-fiction pour faire son apparition. Au XVIIIème siècle déjà, « les philosophes se demandaient le plus sérieusement du monde si les merveilleux automates de Jaquet-Droz et Vaucanson avaient une âme »2. Une attitude qui peut prêter à sourire de nos jours, mais qui démontre néanmoins, que les interrogations liées à l’homme artificiel plongent leurs racines bien plus avant dans l’histoire. Il semblerait, dès lors, que le concept d’homme-machine soit bien plus ancien que le terme robot, qui date du début du XXème siècle.
Mais alors, comment a été forgé le terme ? Et quel est son sens intrinsèque ?
Le vocable robot apparaît, pour la première fois, en 1921, dans la pièce de théâtre R.U.R. (Rossum’s Universal Robots) du tchèque Karel Capek. Dans cette œuvre, la famille Rossum fabrique des travailleurs artificiels, avant que le père ne dote ces derniers de capacités émotionnelles et d’apprentissage. Devenant alors des biens de grande consommation, ils remplacent partout l’homme dans ses labeurs. Mais un jour ces robots se révoltent et se lancent dans l’extermination de leurs anciens maîtres…
Une pièce intéressante à plus d’un titre. Par l’invention du vocable robot, bien sûr, qui selon Karel Capek lui-même, revient à son frère Josef, peintre et écrivain. Un néologisme tchèque qui est dérivé du terme robotnik, qui signifie « esclave » ou « travailleur dévoué », et/ou de robota, le « travail forcé »… Une référence révélatrice ! Car Josef Capek ne s’était pas trompé, en mettant le doigt sur ce qui est le fondement moderne de la figure du robot : l’esclavage.
Le synopsis même de la pièce est révélateur du malaise grandissant de l’homme devant la portée potentielle de ses créations – le « complexe de Frankeinstein » – et de l’angoisse d’une Humanité de plus en plus dépendante de sa technologie.
Une autre problématique entre également en compte dans cette histoire, nous renvoyant directement au sens du mot robot, qui est celle de l’exploitation d’entités pensantes. Il est, en effet, difficile de concevoir, à long terme, comme inférieure, une création que l’on a dotée des mêmes privilèges que son créateur : intelligence, émotions, existence propre…
Les bases de la figure de science-fiction qu’est le robot semblent donc être toutes posées dès la première apparition du terme. Pourtant, cela ne tient pas tant au génie des frères Capek qu’à la, déjà incroyable, longévité de l’idée. En effet, si le terme robot est né en 1921, les premières traces de fictions incluants des êtres mécaniques nous viennent des mythes de l’Antiquité.
D’ailleurs, le terme le plus ancien que nous ayons pour désigner ces machines à forme humaine – ou plutôt ces automates à forme humaine – est androïde, qui daterait du XVIème siècle. Il est à noter que le terme andréide, qui lui désigne un androïde féminin, fit une unique apparition, sous la plume d’Anatole France.3 C’était dans La Vie littéraire (1891), où il évoque une femme électrique qu’Edison aurait construite.
A mon sens, pourtant, le mot robot englobe une dimension qui échappe aux machines humanoïdes et autres androïdes, qui le précédent : c’est la dimension du possible. Bien que, du point de vue technologique, il ne désigne pas encore des robots tel que nous l’entendons aujourd’hui, ce que nous verrons plus loin.
Les robots des frères Capek apparaissent à une époque où, au regard des avancées techniques, les hommes-machines d’hier deviennent des réalisations possibles, envisageables dans les fantasmes de la science. Et plus encore ! L’industrialisation permet déjà de les envisager comme des objets de grande consommation. Le pas semble, dès lors, être franchi avec l’apparition du mot robot : les hommes mécaniques deviennent de futurs objets de consommation.
Les êtres humains artificiels étaient l’apanage des dieux, les robots, eux, seront l’apanage des hommes. Hier, nous rêvions des hommes-machines, demain, nous posséderons des robots. Avec les robots, l’homme égalera les dieux, créant la vie avec la matière inanimée. Avec les robots de Capek, arrive l’idée que ce n’est plus qu’une question de temps. Demain, ils seront là… C’est donc, à mon sens, la dimension essentielle qu’apporte le mot robot, par rapport aux autres termes.
Il faut préciser, que le terme machine, utilisé dans la définition du robot que nous avons vue, est communément admis aujourd’hui – progrès de la science obligent – comme un dispositif mécatronique. C’est à dire, qui allie mécanique, électronique et informatique. C’est là, une différence notable entre les robots de R.U.R. qui ne sont « que » des automates, des dispositifs mécaniques alliant, éventuellement, électronique, et les robots, dans l’acceptation courante du terme.
Les avancées scientifiques ont fait quelque peu évoluer le sens du mot robot, aussi une nuance à la définition que nous avons vue au début, semble nécessaire. En effet, à l’heure actuelle, plus personne n’ignore, et certainement pas les auteurs de SF, que nombre de robots ont déjà été créés et que la plupart d’entre eux ne sont aucunement de forme humanoïde… Le corps humain étant le fruit de contingences et d’une lente évolution, il n’est pas toujours la forme la plus adaptée. De plus les œuvres à succès, nous ont habitués à des robots aux structures très variables. Les robots de Star Wars, par exemple, ne sont pas tous des humanoïdes, à l’instar du célèbre R2D2. Aussi, peut-on aujourd’hui considérer qu’un robot n’est pas nécessairement de forme humaine.
Il est cependant possible de désigner précisément un robot anthropomorphe par le mot androïde. Il est vrai que le terme désignant toute machine anthropomorphe, il permet, aussi bien, de désigner un homme robot, qu’une horloge en forme d’être humain ! Cependant, comme nous l’avons vu, la SF entend, quasi-systématiquement maintenant, par machine : un dispositif mécatronique. Aussi, depuis de nombreuses années le terme androïde, dans une œuvre de science-fiction, désigne un robot humanoïde.
Par ailleurs, si Anatole France utilisa une fois le vocable andréide pour désigner un androïde féminin, aujourd’hui, le terme gynoïde – quoi que peu usité – remplit cette fonction. De la même façon, pour désigner précisément un androïde masculin, on pourra parler de viriloïde.
Je précise cependant que le terme droïde qui, par opposition à androïde, désigne les robots non-humanoïdes, est propre à l’univers de Star Wars.
Le dernier élément de réflexion que j’aimerais porter à votre attention, est une définition de Denis Guiot, anthologiste reconnu de science-fiction, dans son essai Le monde de la science-fiction, sortit en 1987. L’auteur désignait alors par le mot androïdes : « ces être synthétiques obtenus dans des Cuves à partir d’une quelconque « soupe biologique », programmée génétiquement et non plus électroniquement »4
J’avoue avoir été quelque peu désarçonné par cette définition… D’abord, parce que je n’ai jamais constaté une telle utilisation du terme. Ensuite, parce que malgré mes recherches sur le sujet, je n’ai pu trouver aucune source qui accrédite un tel emploi. Cette définition datant de plus d’une vingtaine d’années, les évolutions technologiques ont balayé ce sens. En effet, il évoquerait plutôt, de ce point de vue, le terme clone qu’androïde.
Il suffit de voir le nombre de robots présents sur nos écrans ces dernières années, pour se convaincre qu’il est une figure, plus emblématique que jamais, de la science-fiction. Pourtant, si il a traversé le XXème siècle pour nous arriver plus vivace que jamais, c’est qu’il est profondément ancré dans la réalité. Le terme, apparu dans une société industrialisée, est la promesse technologique de nos lendemains. La croissance exponentielle de nos capacités techniques rend chaque jour un peu plus probable son existence. Nos scientifiques, depuis quelques années déjà, orchestrent avec succès les balbutiements des premiers androïdes…
Références :
1 http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/robot
2 GUIOT (Denis) – Robots et androïdes in Le Monde de la Science-fiction – M.A. Éditions ; 1987
3 http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/visusel.exe?12;s=1119699645;r=1;nat=;sol=1;
4 GUIOT (Denis) – Robots et androïdes in Le Monde de la Science-fiction – M.A. Éditions ; 1987
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