L’exposition « Angola, figures du pouvoir » s’est ouverte hier au musée Dapper, à Paris. Réunissant près de 140 oeuvres majeures, cette exposition est la plus riche jamais organisée en France sur les arts des peuples angolais. Les masques, les statuettes, les objets magico-religieux… présentés témoignent tant de la formidable diversité, que de la richesse et de la complexité de la culture angolaise.
Lorsqu’en 1482, Diogo Cão arrive dans l’estuaire du fleuve Zaïre, à la tête de l’expédition mandatée par le roi du Portugal Dom João II, ce n’est pas pour découvrir des « sauvages » mais des sociétés fortement structurées. Le royaume de Kongo, entre autre, dispose d’une monarchie, d’institutions, de villes, d’un système d’imposition… Il exerce alors pleinement sa puissance, tout comme les royaumes de Ndongo, Kakongo, Loango et Ngoyo – pour ne citer qu’eux.
Une peuplement hétéroclite, qui a permit l’épanouissement d’aires culturelles « au sein desquelles se sont développés des arts de cour prestigieux exaltant la puissance politique et spirituelle des chefs. De même, les cultes rendus aux ancêtres, héros, divinités et esprits, ainsi que les institutions initiatiques assurant la formation des individus ont donné naissance à des pratiques artistiques élaborées. » (1) Si la diversité stylistique témoigne des spécificités de chaque culture, cette exposition permet aussi de voir s’affirmer les emprunts et influences et par là-même, les liens noués entre les peuples.
Les représentations symboliques et figuratives les plus marquantes voient souvent se mêler l’histoire, le politique et le religieux. Autant d’indices « d’un univers où sont en jeu de multiples pouvoirs », un univers que l’on peut difficilement qualifier de « primitif »…
Un des plus beaux exemples de ce « mélange des genres » est une statuette collectée en 1904 et identifiée comme étant une effigie de Chibinda Ilunga par l’historienne de l’art belge Larien-Louise Bastin, en 1956. « Ce personnage est la figure centrale d’un récit mythique qui mêle légendes et généalogies dynastiques. (…) Il était honoré en tant que héros civilisateur, et les chefs chokwe importants se considéraient comme ses descendants. »(2)
« La tradition rapporte qu’aux environs de 1600, la cour de Lunda fut troublée par des conflits opposant le vieux roi à ses fils. Le souverain désigna pour lui succéder Lueji, sa fille. Un chasseur séduisit la jeune femme. Doté de pouvoirs magico-religieux, cet être hors du commun était, en réalité, Chibinda Ilunga, le fils du chef du royaume voisin. La princesse décida de l’épouser. D’après certaines versions du mythe, comme Lueji restait sans enfants, elle octroya à son mari une seconde épouse. Mais avec la complicité de ses fils, Chibinda usurpa le pouvoir en pays lunda et certains d’entre eux fondérent de nouvelles nations dans les contrées avoisinantes : Chokwe, Luvale, Mbangala et d’autes encore. » (3)
Si la figure de héros mythique mêle histoire, magie, religion et politique, sa représentation incarne également ces différentes facettes. La coiffe nous renvoie au prestige du pouvoir – au politique – tandis que le fusil à silex, qu’il arborre dans la mains gauche, le replace dans son cadre historique. De même, le pénis circonscit, comme la forte barbe ou encore la disproportion de ses mains et pieds, nous rappel sa force surhumaine et l’aspect primordial de sa virilité ; Ce qui fait écho au sytéme magico-religieux.
Vous pourrez ainsi observer le lien entre art et système social. Les effigies, spectres ou armes d’apparat, nous dresse un tableau de l’exercice du pouvoir, mais aussi du symbolisme qui s’y rattache. Tel ces trônes, par exemple, ornés de figures féminines qui rappellent la filiation matrilinéaire des détenteurs du pouvoir…
De même le culte voué aux ancêtres, dont les esprits bienveillants se manifestent en maintes occasions, se dévoile sous nos yeux à travers les masques de cérémonie. Des masques qui remplissent le rôle d’émissaires du monde des ancêtres et prennent part au processus d’éducation des adolescents, lors de leur passage dans la vie d’adulte. Chacun d’eux, à travers le personnage qu’il incarne et de son rôle dans les cérémonies, lève le voile sur une facette de leur cosmogonie.
Dans la seconde partie, l’exposition vous permettra de découvrir l’art des peuples du nord de l’Angola, notamment les Kongo. Un art bien différent de celui des Chokwe, tant sur le plan esthétique que pratique, puisque qu’il vise l’exercice du pouvoir magico-religieux plus que politique. Leurs « fétiches » ou « figures-force » servent aux rituels magiques de tous ordres, du privé au politique. Les objets cultuels du peuple Kongo, appelé minkisi sont parmi les plus prégnants en raison de leur aspect visuel parfois très agressif. Il repose sur le concept de nkisi, qui occupe une place centrale dans le systéme de pensée kongo, et qui renvoie aux forces contenues dans certains matériaux et types d’objets.
Ainsi ces oeuvres d’art, d’une civilisation dite « primitive », viennent-elles aujourd’hui à Paris, pour témoigner des points communs, différences et richesses culturels des peuples angolais, mais également de leur histoire commune. Entre pouvoir politique, religion et mythes historiques, c’est là une belle occasion de découvrir une autre Afrique !
Pour les plus curieux d’entre vous, l’espace consacré à l’art contemporain accueillera Antonio Ole, un des artistes angolais les plus renommé. Vous pourrez y découvrir sept oeuvres, principalement des sculptures et des assemblages, qui, tout en portant la mémoire de la guerre, s’orientent aussi vers l’univers magico-religieux des peuples angolais.
Références :
(1) (2) (3) – Angola, figures de pouvoir / Dossier de presse
Musée Dapper
35 bis, rue Paul Valéry – 75116 PARIS
Ouvert tous les jours de 11h à 19h – Fermé le mardi
Tarif exposition : 6€ / 4€
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